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20120428

Regarder passer Weiss / it's all right to shake

Et si, aujourd'hui, alors qu'on apprend le décès de David Weiss (1946-2012, donc), au lieu d'écrire machinalement Fischli and Weiss pour annoncer la triste amputation du duo suisse complètement barré, on disait à rebours, comme pour le remonter, Weiss and Fischli ?

 
Fischli and Weiss, Untitled (Sleeping Puppets), 2008-2009


 Héritiers des dadaïstes les plus surréalistes, sales gosses de Marcel Duchamp, contrepointeurs en chef des lectures néodadaïstes des deux références citées, les deux artistes zurichois avaient été consacrés entre autre par la biennale de Venise en 2003 et étaient en excellente place, dans cette même ville phénoménale, dans les accrochages successifs de la Punta della Dogana - Fondation Pinault (sur la Dogana et sur le Palazzo Grassi, lire aussi ce billet). L'expographie est longue comme le bras, et si je n'avais pas eu 4 ans en 1985, il me faudrait démarrer en convoquant l'exposition inaugurale du Centre Culturel Suisse parisien par Weiss et Fischli...

A son ouverture, la Dogana montra toute la poésie du foutraque de Weiss and Fischli, toute entière contenue autant que déchirée dans Tree Stump, ready-made aidé, à la fois beau et ironique, vitaliste et macabre. Cette sculpture résulte du moulage d'une souche d'arbre dont le tronc arraché a laissé béante la plaie du cours des choses. Plus tard, Rat et Panda, duo de personnages récurrents dans l’œuvre du duo de Weiss et Fischli, dormiront, se moqueront de vous, voleront, joueront au gendarme et au voleur, dans l'architecture de Tadao Ando. Les cycles vidéo avec les personnages du Rat et du Panda citent des systèmes narratifs d'une banalité consternante et d'une efficacité toujours probante, mettent le tout à bonne distance critique par le sur-jeu, par l'accoutrement et par l'absurdité du déplacement de ces scenarii dans le monde d'animaux ni mignons ni moches - une absurdité à l'accent russe : on pense inévitablement à Gogol, notamment. Ils sont nombreux à s'être inspirés de l'absurdité de ce déplacement : le premier qui me vient à l'esprit, est Spike Jonze dans le clip de Da Funk des mirifiques Daft Punk.

Fischli and Weiss, Untitled (Tree Stump), 2005
moulage de souche en caoutchoux
Punta della Dogana, collection Pinault

Au printemps 2007, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris avait institutionnalisé le duo en montant la première rétrospective Weiss and Fischli (vas-y remonte, Weiss, remonte). Nous y avions été à vélo, un après-midi de pluie si bien qu'on nous avait exhorté à "sécher" avant de rentrer dans l'exposition. Lui, portant fort l'odeur rance du chien mouillé, jouait le rat, et moi, la souillure de maquillage dégouliné sur le visage, je jouais au panda. Je me souviens des rires fous devant la mignonnerie ontologique de la série des Wurtz et de la fascination affalée sur le sol de la salle obscure face à l'humour et à l'intelligence de l'humour du Cours des choses. L'immuable et continu cours des choses met en péril l'intégrité de chacun des modules. Objets quotidiens et monofonctionnels, phonèmes divers et variés, sont détournés et emmenés dans un processus trivial, fatal, logique autant qu'absurde : tout commence par la destruction de l'utilité de l'objet détourné dans une action bizarre. Le feu, vital et destructeur, provoque et détruit tout, comme la vie. Là s'amorce une autre action bizarre, puis une autre, puis une autre jusqu'à la destruction de la totalité. La vie des conséquences et des causes est filmé en un plan-séquence phénoménal. La théorie des catastrophes de René Thom n'est pas bien loin. Le cadavre exquis surréaliste non plus. Mais on est surtout frappé par le low-tech patenté et pré-hype (le film date de 1987 // Michel Gondry en ligne de mire respectueuse). L'absurdité veut que le regardeur doutant de tout simultanément que le projet s’exécute en médiocrité, qu'il trouve pour fin précaire des explosions de gloriole. Voilà un fier concentré de vanité post-moderne (et le cours des choses résumerait plutôt l'identité de bouts de ficelles de bien des trentenaires d'aujourd'hui). Je me souviens à peu près bien des bières aussi, de la difficulté à rentrer en deux roues déclamant à chacun des feux rouges grillés "IT'S ALL RIGHT TO SHAKE, TO FIGHT, TO FEEL" et de l'absolue nécessité d'écouter Carrot Rope de Pavement en rentrant parce qu'il le fallait tout le temps.


Fichli and Weiss, "Série des Saucisses"
à gauche, Moonraker, 1979 - à droite : In the Carpet Shop, 1979

L'art de Weiss and Fischli nourrit d'humour, énergise qui regarde, promeut une légèreté consciencieuse : les cobayes précités étaient devenus après l'exposition des petits bidules de Wurtz environnés de gras organisé, des panda-rats absurdes batifolant dans le monde pour n'y faire rien de bien grand sinon écouter Pavement et Sonic Youth et lire Jarry et Ponge, ce qui était déjà vraiment pas mal. 
Alors, parce que la production de Weiss and Fischli faisait l'effet fou de jouer à l'existence comme un môme joue à Guitar Hero, parce que l'intègre contemporanéité de ce grand art-là excluait tout terme à l'histoire du rat et du panda, parce que les influences sont fermes et structurantes de l'imagerie des années 2000, la nouvelle du décès de David Weiss abîme vraiment.

Pêle-mêle : montages, fictions, réalités, objets, personnages, costumes, destruction, explosion, suspens, et Carrot Rope, indeed !






4 commentaires:

  1. "Est-ce que quelqu'un me rechercherait si je disparaissais ?"
    "Est-ce que les fantômes me voient ?"
    Deux questions au fond du Fragentopf. David Weiss a maintenant la réponse.

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  2. Quelles belles questions, merci !
    à la deuxième, j'espère que oui.

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