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20111101

Venus Versatile

Velvet Underground, Venus In Furs, Demo chantée par John Cale. (une merveille)



Autant qu'elle nous provoque, elle te regarde ; elle te détourne moins qu'elle ne s'exhibe, coulante et louvoyante.

Amedeo Modigliani (1884-1920), Nu Couché, 1917.
Huile sur toile, 60.6 x 92.7 cm, Metropolitan Museum, NYC

Ce Nu est bel et bien la retranscription d'une séance de pose d'un modèle devant Amedeo Modigliani. Elle est un peu fichue comme moi (l'égotrip ne sert en rien à la démonstration, malheureusement, sinon à prouver que regarder c'est investir) : en saillie, la hanche droite se tend comme une joue. Osseuse et généreuse, solide et harnachée à sa propre hanche, ce modèle peint par Modigliani se tient, comme quelque chose comme un bloc. Cette sacrée hanche, elle, arrime tout le corps tant et si bien qu'elle est saisissante. 


Un détail apparaît et dès lors qu'il a été capté par l’œil, il obsède et nourrit le regard pulsionnel. 
LA FESSE GAUCHE, on ne la voit que par intermittence. 
LA FESSE GAUCHE toute entière intégralement pétrie entièrement par une ligne habile parvient à s'enrouler autour de la hanche
LA FESSE GAUCHE, 
subreptice et latente. 
LA FESSE GAUCHE, planquée comme un ruisseau couvert qui ouvrirait sur l'Origine, planquée comme l'est la droite, suprême coussinet de la Grande Odalisque d'Ingres. La fesse est un secret plus grand encore que le pubis dissimulé par la cambrure du modèle. Le corps de ce Nu Couché coule, vénusien, dans une plaine rougeoyante. La pourpre, celle de l'intimité est pareille à une pièce de viande (celle chère à l'ami Chaïm Soutine) dans laquelle tranche le cerne stricte qui ferme la coulure. Dans l’œil ému du spectateur, de Qui sait y trouver les coquelicots, les couleurs s'émulsionnent : le rouge voyage du fond à la forme, nécessairement.

UNE AUTRE FESSE GAUCHE : Jean-Auguste-Dominique Ingres, La Grande Odalisque (détail), 1814  
Huile sur toile, Musée du Louvre

Dans ses transports plastiques, Elle est donc Venus dans la mesure où le lieu de cette femme est la peinture même. Sa présence fait monde. La nudité envahit le tableau et en s'imposant comme monde plénier n'autorise rien d'autre que la masse de suavité et d'intimité. La figure entretient avec les bords du cadre des rapports brutaux et précoces. 
La visée se précipite, vite, vite, vite : 
tant pis pour l'anecdote, 
encore tant pis pour le décor, encore
enlève la convenance.
Laisse-la par terre, on s'en fout.
L’exécution du tableau est pour Modigliani un passage à l'acte : le pinceau caresse lorsqu'il façonne dans la masse colorée même le modelé moelleux. Le génie de Modigliani fait qu'on s'abandonne tout à fait à la fascination de la représentation du spasme éclatant, lumineux, irradiant comme une lune. Le traitement des tissus et des chairs excite l'instinct haptique du regard : le velouté sensuel des matières active le sens du toucher.
L'extase est montrée en débandade. Le minois ainsi que l'attitude rappellent Thérèse, dite "Sainte" (parfaitement !), représentée en pleine extase religieuse, dite "transverberation" (parfaitement parfaitement !) par le Bernin à la Chapelle Cornaro de Santa Maria Della Vitoria (marbre achevé en 1652). Les yeux de statue de la Femme de Modigliani, vidés de leur iris, débarrassés de leur blanc, évoquent en foule les masques africains, la Muse Endormie de Brancusi, le demi-regard des femmes berniniennes, celui pas croyable de l'Ariane endormie vaticane (dont j'aime particulièrement cette vision surannée du XIXe siècle).


Pourtant, à force de la regarder (j'en ai le plaisir quotidien quasiment depuis une canicule), le Nu couché peut terrifier car il a le pouvoir fou de virer au monstre furieux : le visage devient gueule, le soupir, râle, le nez, lame barbare susceptible de se briser, les poils d'aisselles dégueulasses et terminaux. Pire : les dents, l'indice de crâne. Sa versatilité infernale, propre à l'érotisme, approuve la vie jusque dans la mort (la formule est de Bataille Georges).

Il y a dans le renversement de sa tête, dans l'aperture de ses bras, dans le dégagement de la poitrine arrogante, dans l'abandon au repos le plus intime (celui trouvé dans la "posture ultime" où tout est parfaitement à sa place, où tous les membres pèsent exactement le poids qu'ils doivent peser), dans cette sensualité-là : la musique et la vie, le silence et la statique, les couleurs et les poèmes, les connivences et la volupté, le libertinage moins que la liberté. 


AH ET AUSSI : Il y a un grand mot, très grand mot clair, que je n'ai pas souhaité taper sur le petit clavier du Mac dans cet article. C'est un mot qu'on attache régulièrement et du coup quasi scientifiquement à la peinture de Modigliani et à sa figure mythique. Tu le trouves, tu gagnes :
A. un bisou si on se connait assez, hein ;
B. mon estime ;
C. le droit de soumettre le sujet du prochain billet.
>>> mailto:regarde.et.passe@gmail.com

13 commentaires:

  1. MELANCOLIE... and the infinite sadness...

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  2. Le bon mot était bien Mélancolie, qui n'avait pas grand chose à faire dans ce billet.

    Mais là, je suis vexée comme un poux, car
    1. je suis susceptible
    2. il m'apparaît bien que SCULPTURE (@11:39) manquait davantage ! Ben, ouais, les volumes des hanches, le cylindre super solide de la cuisse, la lutte de pouvoir entre la puissance plastique de l'arrête et la rondeur des sphères prouve bien que Modi était un sculpteur excellent et que les mains travaillaient plus que les mains. Et puis il y a aussi l'opposition fondamentale entre le fond-socle et la forme-sculpture.

    Bref, commentateur : tu gagnes plus que prévu !

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  3. Du coup, quel est le sujet du prochain billet ?

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  4. Modigliani sculpteur ?

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