Mis à part la crève la plus grasse de mon existence, les souvenirs les plus italiques et les répliques les plus barrées, j'ai ramené de Venise une réflexion suscitée par les visites des collections Pinault.
Je vous raconte : pour rejoindre la Punta della Dogana, l'un des deux lieux de la Fondation Pinault à Venise (ouvert depuis juin dernier), il vous faut marcher mordu par une humidité terminale le long des Zattere (1). Le soleil est heureux comme moi, dramatique comme nous. On se confronte au Garçon à la grenouille de Charles Ray, s'identifie un peu. Constat : il nous dépasse (2).
On passe la porte de l'ancienne douane de mer, achète les tickets avec effroi provoqué par l'énoncé du montant en euros, puis : RIDEAU ! Un de ceux Gonzales-Torres (3) ! Le candidat à la délectation (entendez : toi, public) doit le pénétrer physiquement et se laisser toucher par l'œuvre pour accéder aux salles.
Pour rejoindre le Palazzo Grassi (ouvert en 2006), prendre d'abord un, deux, trois bellinis au Bauer Hotel (1). Se perdre un peu - il fait nuit à 17h. Trouver le palais en trouvant la bagnole sexy (Richard Prince) (2). Faire un peu la gueule au moment de payer. Danser comme une actrice en confiance sur la première œuvre, les Dancing Nazis d'Uklanski, installation elle-aussi participative.
Le schéma est donc toujours le même :
Phase 1 = phase de la midinette qui hésite entre sa petite robe noire et la petite grise pour aller à un premier date. C'est le moment des fantasmes (trouille d'être déçu, envie d'être séduit). Cette étape m'est propre.
Phase 2 = la drague : on s'affiche, s'affirme, s'identifie, s'ambiance. L'enjeu est d'entrer en connivence par l'humour (Richard Prince), par le charme et l'aisance de celui qui est comme nous mais en mieux (Charles Ray), par le choc. Ces œuvres-là, à l'extérieur, vous regardent dans les yeux et vous annonce le programme, genre "mademoiselle, auriez-vous du feu ?" avec le regard, lui, déjà allumé.
Phase 3 = le contact : fini les regards en coin, on entre en réciprocité et en contact. C'est comme une forme de première conclusion, quoi - conclusion alors que ce n'est que le début, d'accord d'accord. Le reste sera plus traditionnel, plus attendu, mais au moment où vous dansez sur le dance floor d'Uklanski, le temps suspend un peu son vol. Vous êtes emballée serré comme dans de jolis bras virils pour au moins un an et demi. ET MERDE...
A Venise, la fondation Pinault a misé deux fois sur une forme d'esthétique relationnelle (celle théorisée par Nicolas Bourriaud en 1995) et, même si les ficelles sont en polyester bleu klein, c'est vraiment touchant.
Comment ça se passe à Paris dans un autre contexte, celui des collections permanentes de musées publics ?
Devant le Centre Pompidou, jusqu'au mois d'octobre dernier, il y avait le Pot de Jean-Pierre Raynaud, métaphore de la germination de l'esprit, élévation complétée par l'escalier apparent (Phase 2). Désormais le pot est chez Georges où l'unique germination éventuelle se veut celle de ton hypitude - j'aime bien quand même et le Raynaud est rendu a sa sacrée monumentalité. En arrivant dans les collections permanentes, l'œuvre connivente, c'est celle d'Agnès Thurnauer qui d'un bon vieux mot post-moderne féminise les noms d'artistes dont on va voir les chefs d'œuvre (Marcelle Duchamp, Alexandra Calder...). La réciprocité ici ne capture pas le corps mais a l'ambition de rendre au spectateur sa vision critique.
L'accrochage du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris parie sur la même rhétorique promouvant la posture critique. Dans le hall d'accueil, la phrase en néon de Pierre Huyghe, restée là après sa fantastique expo Celebration Park de 2006 : l'artiste proclame en énorme la relativité de son institutionnalisation et fait l'aveu des limites des ses pouvoirs de jedi.
Les collections permanentes du MAMVP étant présentées en boucle (l'arrivée jouxte le départ, comme souvent), lorsqu'on voit les premières œuvres d'avant-garde historique (période bleue de Picasso, fauvisme...), on a en fond d'œil les toiles laissées nues de toutes formes accrochées ou posées au sol de Claude Rutault. La peinture est une surface plane - on avait presque oublié - recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. Doux Jésus, cet accrochage brille d'intelligence (Ah, la salle des écritures !).
Pour conclure de très mauvaise foi, on traverse le parvis, on entre dans le Palais de Tokyo et on voit : librairie (excellente) + resto + boutique.
EN CE MOMENT, pour se faire poker à souhait :
> MAMVP : Sturtevant, à voir en connaisseur.
> Centre Pompidou :
Lucian Freud, j'y vais demain car lundi, j'ai psy (EDIT : j'y suis allée et j'ai eu psy) /
Réouverture partielle des collections permanentes sous l'autorité de Fernand Léger et Vassily Kandinsky (he's finally back !)
Lucian Freud, j'y vais demain car lundi, j'ai psy (EDIT : j'y suis allée et j'ai eu psy) /
Réouverture partielle des collections permanentes sous l'autorité de Fernand Léger et Vassily Kandinsky (he's finally back !)
> Palais de Tokyo : Pergola, vraiment bien.
> A Venise : Mapping the Studio. ça vaut un tour sur le site d'easy jet...
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