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20100309

Listen to your eyes - FRAC Lorraine

Ah ! Metz ! La ville-maison désespérante où l'on vous pose quarante fois la même question ("Tu fumes pas trop, Juliette ?" - papa, "Qu'est-ce que tu voudrais manger ?" - maman) et où l'on s'endort n'importe où et quand sans l'avoir prémédité.
Comme Metz est en passe de devenir la capitale du monde universel de l'art moderne et contemporain international avec le glorieux Centre Pompidou-Metz (ouverture le 12 mai), ça bouge. Il parait que ça bougeait avant - Ah ouais ?
La "diagonale : sons, vibration, musique" organisée par le CNAP traverse Metz : au FRAC Lorraine (rue des Trinitaires), une exposition intitulée "Listen to your eyes" offre la possibilité de se confronter à des silences ébruités. On est accueillis par des jeunes gens souriants qui ont raison d'être fiers de leur accrochage : On Kawara, Roman Signer, Jiri Kolar, et par Wittgenstein. Sur le mur blanc, un dépôt de chantilly sucrée issue du pourtant si rêche Tractacus - « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » - annonce que le contenu mis à la disposition du public risque bien d’égaler le philo-wiki sur le silence, l'indicible, tout ça tout ça. Néanmoins, c’est un parti pris réaliste (ne pas confondre avec populiste) prenant le pari de la capacité du public à se confronter à l’indicible, à la sensation frémissante du silence jamais atteint.  

 On Kawara (1932), One Million Years - For the last one. (Future) 1993-1001992, 1980-1992. FNAC

Ça fonctionne d’abord très bien avec les One Million Years Books d’On Kawara, présentés dans une pénombre dramatique. La dernière fois que je les avais croisés, c’était dans la pleine lumière du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à l’accrochage des collections permanentes précédent. A Metz, la mise en espace théâtralise cette œuvre ayant l’humilité de l’encyclopédiste : la disposition en perspective des trois éléments (émetteur de la bande sonore où l’on entend s’égrener les années, le livre ouvert page 92-93 sur un quasi-autel, la collection des ouvrages accrochés en hauteur) tire sur la corde fataliste. 


L'originalité de cette présentation réside dans la confrontation des livres émiettant les années futures de 1993 à 1001992 et l'enregistrement à deux voix énumérant passé et futur en anglais. Zut, là je me rends compte que depuis Boltanski au Grand Palais (1 mois) et Vanités à Maillol (1 semaine), j'avais oublié d'envisager ma propre décomposition. Ceci étant, le présent et l'ancrage au sol ne sont jamais aussi tactiles et vivaces que lorsqu'ils sont passés sous silence.
Roman Signer, Installation, 2006


L'oppression du tragique et du poétique s'estompe en découvrant l'installation vidéo jubilatoire du suisse Roman Signer (à qui je pense toujours en dépeçant des poulets, souviens-toi du temps passé en cliquant !). Une dizaine de paires de téléviseurs posés l'un sur l'autre jonche le sol et dessine un arc de cercle. L'alignement inférieur fait défiler les célèbres actions cacophoniques des années 70 et 80 de Signer : des trucs tombent, explosent, s'affalent comme des personnages lubriques de vidéo-gag. Au-dessus, la même femme, dix fois la même femme au cheveux courts, gesticule dans un plan fixe multiplié par le quotient numérique des télés. Elle narre en langage des signes les péripéties des objets des vidéos cultes. Le langage des signes fonctionnant par onomatopées gestuelles, les événements se redoublent et se dédoublent en action et concept d'action. A l'immédiateté performative et visuelle des actions filmées s'ajoute ainsi le gras de la métalangue. La polyphonie absurde s'étale dans l'inénarrable : pourquoi traduire des images en langage des signes des images que les sourds peuvent voir ? On savait déjà que les "trucs" étaient la réalité transitoire mais Signer rappelle ce refoulé à notre bon souvenir. Borgnes qu'on est en royaume helvétique, on jubile, on rit, on s'allège.


Logiquement, les deux vidéos suivantes se jouent des silencieux et des bavards. The Singing Lesson I réalisé par Artur Zmijewski en 2001 déclenche des rires coupables : des jeunes gens frappés de surdité crispent leur bouche d'où sort un chant bizarre, presque laid. Ça dérange les auditeurs de FranceMu et évoque les bruitistes. Soit. La rhétorique de la vidéo agace comme collent des coquillettes trop cuites servis à un dîner d'amis où on est arrivé avec une bonne bouteille de Bourgogne. La seconde vidéo adapte en chorégraphie de signes filmés en travelling ascendant et descendant comme des montagnes russes le Paradis de la Divine Comédie. Citer Dante n'est pas sans déplaire à "regarde et passe" mais ne suffit pas à convaincre. Là encore : soit.
Passons sur les anges qui passent et allument des ampoules chez Jakob Gautel et Jason Karaïndros. Ah l'instant poétique ! Ah la révélation ! Et dans une cage d'escalier en plus, Et entre deux étages ! C'est joliment fait et bien manié par les commissaires.
(D'ailleurs, chers commissaires : il aurait été utile d'indiquer par un peu de signalétique la petite porte planquée au fond de la salle de vidéo permettant d'accéder au 3e étage, ça m'aurait éviter l'exercice de descendre me renseigner à l'entrée, hein.) 

L’installation la plus enthousiasmante, OOO de Zilvinas Kempinas (né en 1969), est probablement la plus économe en concepts -en apparence-, en moyens - c’est certain - : trois ventilateurs soufflent vers trois murs blancs de la salle ; d’habitude invisible, leur action ondulatoire est révélée par trois précaires bandes magnétiques circulaires projetées sur les parois dans une flottaison informe. Les cercles irréguliers sont répétés et déformés par l’ombre frêle qui se dessine sur l’écran :


Pour l’historien d’art, la puissance de la précarité de l’installation et sa poésie évoquent l’arte povera, le mouvement permanent et l’implication du spectateur rappellent les fondements de l’art cinétique. Pour tous, OOO est un terrain de jeu où le spectateur peut manier la forme. Métaphore de la visée et de l’intention, image de l’imagination venteuse, l’installation fait revivre le mythe des premiers dessins comme projection. A mille lieux de la gestaldt autoritaire et immanente, la forme s’informant prend le risque de devenir au hasard d’un coup du sort régulière.
La qualité de l’espace de la salle s’accroit par l’installation puisque les murs sont suspendus aux formes-focales : les parois paraissent avancer et reculer dans une ondulation respiratoire – « dimensions variables », constate le cartel. La salle est océanique.
Par conséquent, le mur énumérant une longue liste de nombre premier réalisé par le jeune Benjamin Dufour, paraît fade quelque peu d’autant qu’on connaît par cœur cette chansonnette eurythmique conceptuelle.

Je garde pour plus tard le double rejeu de 4"33 de John Cage par Manon de Boer, à voir absolument : il vous faudra attendre le début d'une projection. Prenez ce temps-là, regardez et passez.

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